Cela faisait presque 4 mois que j’étais arrivée en ville et j’étais heureuse de la tournure de mon expérience. Je vivais en collocation avec Raven et tout se passait bien. Je fatiguais au café mais j’avais besoin de ce travail pour payer mon loyer et il me permettait d’avoir des tours de chants gratuit 3 fois par semaine. C’était une chose qui était non négligeable pour moi. D’ailleurs, j’avais des retours très positif des clients. Une de mes clientes favorites me soutenait d’ailleurs énormément. Il s’agissait d’Abigail et c’était elle que j’attendais ce soir.

Dans mon répertoire, il y avait pas mal de reprise mais aussi des chansons de ma création. Appréciant le sens critique dAbigail, j’avais décidé de lui chanter avant de l’ajouter à mon répertoire de mon tour de champ. J’étais nerveuse et cela se sentait. En effet, le café était fermé depuis une demie-heure et je passais mon temps à astiquer les tables. Pourtant tout était propre depuis au moins dix minutes. Mais j’avais toujours été comme cela. Lorsque je me sentais nerveuse, je devenais particulièrement maniaque. Cela me donnait un sentiment de contrôle.

Je me disais qu’il fallait que je me détende, après tout, il n’y avait pas d’enjeux. Mais proposer mes propres créations pour peut être faire mon album était une chose de très important pour moi. Laissant finalement le chiffon dans le bac de linge salle derrière le comptoir, je décidais d’aller chercher ma guitare dans l’arrière boutique. Lorsque je revins, je vis une silhouette devant la porte.

Je me sentis rougir en me disant que j’avais choisi mon bon moment pour aller chercher ma guitare. La posant sur le canapé orange du Central Perk, j’ouvrais ensuite la porte. ”J’étais entrain de chercher ma guitare, je suis désolée. Entre.” Dis-je avec un sourire nerveux en me décalant pour laisser la belle jeune femme entrer. Je refermais ensuite la porter à clef. ”Comment vas-tu ?” Lui demandais-je en pivotant sur mes talons. ”Tu veux boire quelque chose ?” Autant en profiter puisque nous étions dans un café.

Je me sentais tellement nerveuse à l’idée de proposer l’une de mes chansons à une inconnue. Bien entendu, Abigail commençait à devenir plus qu’une inconnue mais je ne considérais pas pouvoir la compter parmi mes proches. Le regard était donc plus extérieur et plus critique, c’était une chose que je recherchais réellement. Une fois la porte refermée, je sentis la médecin hésiter sur ce qu’elle souhaitait. J’avais l’habitude de deviner ce genre de chose. Je faisais tous les jours face à l’indécision des clients. « Je vais bien. » répondis-je en posant les clefs sur une table non loin de l’entrée. « Je vais te faire un déca alors. » lui dis-je lorsqu’elle me dit ne pas être contre un café. Vu l’heure, je me voyais mal lui faire autre chose. Passant derrière le comptoir, je rallumais la grosse machine à café tout en sortant le café moulu pour préparer la dose.

« Je dois reconnaître qu’elle fut stressante. Je me sens nerveuse à l’idée de te faire écouter une de mes compositions. » Dis-je en pivotant sur moi-même pour enclencher la machine et installer une belle tasse en dessous. L’avantage d’être dans ce genre d’endroit, c’était que le café était non seulement délicieux mais la machine relativement réactive. « Et toi ? Tu n’as pas eu trop de travail ? » Je me sentais idiote à poser ce genre de question. Je savais pertinemment que sa journée n’avait pas dû être de tout repos. « Je te remercie encore de trouver du temps pour m’écouter. C’est tellement important pour moi d’avoir un retour. » Je ne cachais pas mon ambition. Je ne voulais pas être serveuse, je voulais être une artiste. Je voulais pouvoir vivre de mon art. Ce boulot était juste là pour que je paye les factures sans trop de prise de tête. Mais en dehors, je ne chômais pas. Et je travaillais sur plusieurs chansons. Je voulais absolument proposer quelque chose d’ici la fin de l’année.

La tasse prête, je pivotais pour la poser sur le comptoir. Nettoyant à présent la machine à café, je réfléchissais à la question que la jeune femme venait de me poser. « Du passé, de ce que l’on peut regretter et surtout le besoin de changer des choses dans sa vie. » De tout simplement tourner la page sans se retourner. D’une certaine manière, j’étais capable de comprendre ces personnes disparaissant du jour au lendemain en laissant absolument tout derrière eux. Bien entendu, je ne me sentais pas dans cet état d’esprit mais je pouvais comprendre ce que l’on pouvait rechercher et notamment à ne pas être retenu.

« Viens. » Dis-je une fois le nettoyage terminé. Je pris ensuite la direction du canapé. C’était l’endroit le plus confortable à mon sens. Il est vrai que j’adorais l’endroit, l’ambiance de ce café qui était loin d’être factice. C’était un café qui s’était développé au fil du temps et c’est ce qui le rendait parfaitement vrai. Attrapant ma guitare, je pris place sur le canapé orange élimé. Je commençais alors à chanter accompagnant mes paroles d’une douce musique à la guitare.

«
Of all the money that e'er I had spent
I've spent it in good company
And all the harm that e'er I've done
Alas it was to none but me
And all I've done for want of wit
To memory now I can't recall
So fill to me the parting glass
Good night and joy be with you all

Of all the comrades that e'er I've had
Are sorry for my going away
And all the sweethearts that e'er I've had
Would wish me one more day to stay
But since it falls unto my lot
That I should rise and you should not
I'll gently rise and I'll softly call
Good night and joy be with you all
Good night and joy be with you all»

Cessant de jouer, je posais finalement mon regard sur la belle médecin. J’étais à présent curieuse de savoir ce qu’elle pensait de ma chanson. J’avais travaillé dure sur ces paroles. Mon souhait était avant tout qu’on accepte le fait que j’avais pu être une personne un instant et que je pouvais en devenir une autre… que je souhaitais vivre une nouvelle vie. Et c’était pour cela que j’étais nerveuse de chanter cette chanson à Marcus et à mon père.

Chanter avait toujours été important pour moi. Déjà petite, je passais mon temps à chantonner dans ma chambre. J’avais cette sensation de me sentir très légère. Bien que je n’aie pas eu de problème ou de difficulté dans ma jeunesse, je ne mettais pas senti toujours bien dans ma peau. Mon enfance avait été parfaite et entouré d’amour. Et pourtant, je me sentais mélancolique. J’avais toujours eu une partie de moi qui ne semblait pas s’épanouir parfaitement. Je souffrais de cela et je m’étais rendue compte qu’écrire me faisait un bien fou. Et lorsque je chantais je n’étais pas en position de penser, de réfléchir… je ne pouvais que ressentir. Les compliments de la belle médecin me firent un bien fou et me convainquait d’aller plus loin, de continuer dans cette direction.

« J’espère pouvoir le faire. Mais j’ai peur de la réaction de mes proches. » Posant la guitare sur le sol, j’haussais les épaules, le regard dans le vide. « Cette chanson en particulier pourrait être mal comprise de leur part. » Laissais-je échapper avant de prendre une grande inspiration et de réussir à affronter le regard d’Abby. « Mais je pense que ce mon inquiétude porte principalement sur des chansons que je suis en train d’écrire et qui parle… comment dire… » je fis une pause en me levant pour retourner proche du comptoir. Nerveuse, je ressentais le besoin de ranger ce qui était déjà parfaitement rangé.

« Qui parle d’une relation non socialement acceptable. » réussis-je finalement par dire. Je ne savais pas pourquoi je parlais de cela à une inconnue, mais je me sentais en confiance. Abigail ne semblait pas être le genre de femme à avoir le jugement facile et je me raccrochais à cette idée pour évoquer pour la première fois quelque chose que j’avais gardé secret de tous. « Et disons que je suis inquiète à l’idée de la réaction de mon père, de la sœur ou même de mon parrain. » Me pinçant les lèvres, je sentais l’angoisse m’envahir. Me retournant finalement, je n’osais pas observer Abigail et préférais triturer mon torchon. « J’ai besoin de parler de cette période, j’ai besoin de m’exprimer sur cette aventure car je n’arrive pas encore à en faire le deuil. Le seul moyen que j’ai trouvé pour réussir à le faire c’est d’en faire des chansons. » Et j’avais cette sensation folle de ne pas être une vraie artiste si je n’exprimais pas cela.